Le terme de cavalerie est utilisй pour dйsigner tous les corps de troupes а cheval.Les dйtails de cette arme sont plus compliquйs que dans l'infanterie, car ils englobent l'homme et le cheval.Dans l'infanterie on fait un grenadier en deux annйes, alors qu'il en faut quatre pour former un dragon ; le cavalier a en effet beaucoup plus а apprendre que le fantassin.A la guerre, toutes les armes se prкtent un appui mutuel, mais elles ont chacune leur service spйcial, et leur utilitй particuliиre.La cavalerie s'emploie ainsi avec avantage dans les plaines.Lorsque l'artillerie et l'infanterie ont йbranlй les lignes ou les masses ennemies, la cavalerie a pour mission de les charger et de les enfoncer.De plus, la cavalerie, qui fournit la derniиre charge, produit l'effort dйcisif et reste alors maоtresse du terrain.Dans la poursuite sur le champ de bataille, l'infanterie de l'avant-garde suit de trиs prиs la cavalerie pour lui servir d'appui dans le cas oщ la cavalerie adverse tenterait un dernier effort.
Sous l'Empire la cavalerie de la ligne se compose de trois grandes catйgories :

1) la cavalerie lourde ou de rйserve, constituйe des carabiniers et cuirassiers, qui est considйrйe comme une masse imposante, dont le choc irrйsistible doit renverser tout ce qui tente de lui rйsister ; elle est plus particuliиrement destinй а combattre en ligne.

2) la cavalerie lйgиre, composй des chasseurs et des hussards, est placйe en avant, sur les flancs, dans les bois, dans les villages.Elle est plus particuliиrement chargйe du service extйrieur, de harceler l'ennemi en l'inquiйtant dans sa marche et en lui enlevant ses convois, d'йclairer les mouvements de l'armйe, etc.

3) la cavalerie de ligne, enfin est composй des chevau-lйgers et des dragons ; les premiers ne sont crйes qu'en 1811 et forment une cavalerie dont la mission est а la fois d'йclairer et de combattre en ligne de bataille.Les dragons, quant а eux, combattent йgalement en ligne mais peuvent aussi remplir des fonctions de cavalerie lйgиre, ils peuvent se battre aussi bien а cheval qu'а pied.Ils sont parfois appelйs а faire partie de la rйserve de cavalerie.

En 1804, la cavalerie est composйe de 78 rйgiments. 2 rйgiments de carabiniers, 12 de cuirassiers, 30 de dragons, 24 de chasseurs, 10 de hussards.
En 1812, la cavalerie est composйe de 89 rйgiments. 2 rйgiments de carabiniers, 14 de cuirassiers, 24 de dragons, 9 de chevau-lйgers, 28 de chasseurs, 12 de hussards.

Un rйgiment de cavalerie lourde est composй de 5 escadrons (de 1807 а 1809 puis 4 escadrons par la suite) divisйs chacun en 2 compagnies (1 050 hommes).
Un rйgiment de cavalerie de ligne est composйe de 4 escadrons divisйs en 2 compagnies (1 044 hommes);
Un rйgiment de cavalerie lйgиre est composйe de 4 escadrons divisйs en 2 compagnies (1 043 hommes car il n' y a pas de maоtre culottier а l'Etat major).

Voici la composition d'un Etat-major et d'une compagnie d'un rйgiment de cavalerie d'aprиs le dйcret impйrial datй d'Osterode du 10 mars 1807 qui dйtermine la force des rйgiments de cavalerie :

Etat Major. 1 colonel, 1 major, 2 chefs d'escadron, 2 adjudants-majors, 1 quartier-maоtre, 1 chirurgien-major, 1 chirurgien aide-major, 2 sous-aides, 2 adjudants sous-officiers, 1 brigadier trompette, 1 artiste-vйtйrinaire, 1 maоtre tailleur, 1 maоtre sellier, 1 maоtre culottier, 1 maоtre bottier, 1 maоtre armurier-йperonnier; total. 20 hommes.

Compagnie. 1 capitaine, 1 lieutenant, 2 sous-lieutenants, 1 marйchal des logis-chefs, 4 marйchaux des logis, 1 brigadier-fourrier, 8 brigadiers, 84 cavaliers pour une compagnie de cavalerie lourde, 108 cavaliers pour une compagnie de cavalerie de ligne ou de cavalerie lйgиre, 2 trompettes; total. 103 hommes pour une compagnie de cavalerie lourde, 128 hommes pour une compagnie de cavalerie de ligne ou de cavalerie lйgиre.

Service sur le champ de bataille.

La place des troupes de cavalerie sur le champ de bataille dйpend d'une foule de considйrations. des circonstances dans lesquelles se livrent l'action, de la nature des lieux, du but qu'on se propose d'atteindre, du nombre et de la proportion des troupes des diffйrents armes prйsentes, de la position de l'ennemi et du caractиre de son chef.
Pendant que les deux armйes se canonnent au dйbut de l'engagement, la cavalerie, disposant de piиces d'artillerie comme l'infanterie, a gйnйralement pour mission de faire mouvement, de dйborder l'aile de l'infanterie ennemie et de l'attaquer par derriиre, par le flanc et par devant.En appliquant cette mйthode, la bataille sera plus facilement remportйe.

En matiиre de tactique, si le champ de bataille est une plaine rase, qu'il n'y a pas d'obstacles (Eylau, Wagram, Lьtzen, Leipzig), il est hors de doute que la cavalerie doit кtre placйe sur les flancs, afin de contenir d'abord la cavalerie ennemie, d'en suivre les mouvements et de tomber sur les arriиres de l'armйe.Si l'un des flancs est appuyй, la cavalerie peut se porter sur l'autre flanc, ou du moins autant qu'il est nйcessaire pour contenir la cavalerie ennemie.Napolйon disait а ce propos. "Il ne faut pas perdre de vue que la cavalerie a avec elle de l'artillerie lйgиre, qu'elle est placйe sur plusieurs lignes, et que les lignes de derriиre, si elles ne sont pas contenues par une cavalerie qui leur est opposйe, peuvent prendre la cavalerie а dos."
Mкme sans attaquer ce lignes, elle pourra se porter sur les arriиres, qui reflueront sur la ligne, et qui porteront la panique а laquelle aucun gйnйral ne doit jamais s'exposer.En pratique, tout dйpendra de la disposition des troupes des autres armes et de la maniиre dont l'action s'engagera.Les missions de certains gйnйraux ne sont autres que des missions d'observation ou d'exploration.Ces officiers, ayant avec eux 25 а 50 chevaux, suivent l'ennemi pas а pas et envoient а chaque instant des rapports а l'Empereur ; ils usent de la plus larges initiative, cherchent la direction des colonnes ennemies, dйterminent le point prйcis oщ prend fin la ligne de l'adversaire, et ne rentrent au quartier impйrial que lorsqu'ils le jugent utile.

Comment se dйroule une attaque de cavalerie. Les gйnйraux de cavalerie Murat ou Lasalle se prйsentent toujours au combat sur trois lignes, avec une rйserve.Au moment oщ la premiиre ligne est sur le point de d'кtre dйbordйe, la seconde se porte alors en avant par escadron а droite et а gauche en bataille ; la cavalerie ennemie s'arrкte pour dйborder cette seconde ligne, ; qui aussitфt qu'elle a йtй prolongйe par la troisiиme, les charge ; en rиgle gйnйrale l'ennemi ne peut soutenir ce choc.Le gйnйral Warnery, dans les "Remarques sur la cavalerie", range йgalement la cavalerie su trois lignes pour charger (premiиre, seconde ligne et rйserve). "la deuxiиme ligne,pendant l'attaque, reste а 250 а 300 pas de la premiиre sans quitter le trot, si ce n'est dans le cas qu'elle devrait aller а la charge [. ] la rйserve ne devrait jamais кtre derriиre les lignes, mais en dehors."
Le meilleur ordre pour attaquer, dit de Brack, est celui en йchelons, "parce que les lignes se soutiennent successivement ; que leurs flancs sont couverts ; qu'il est impossible а l'ennemi de manoeuvrer sur nos ailes, sans que nous soyons en mesure de la recevoir, et qu'en cas d'йchec notre retraite est disposйe et soutenue."
Dans l'expйrience des guerres, la cavalerie se range donc sur deux lignes et se constitue une rйserve.Cette nйcessitй de former toute troupe de cavalerie sur plusieurs lignes s'impose de telle maniиre qu'au cas oщ une des lignes vient а кtre isolйe, elle se forme d'elle mкme sur plusieurs lignes.

Sous l'Empire, il y a une diffйrence bien tranchйe entre la cavalerie lйgиre et les deux autres, la cavalerie de ligne et la cavalerie lourde (ou de rйserve).Une fois les lignes formйes, on place la cavalerie lйgиre sur les ailes des deux autres, parce qu'elle les йclaire et les protиge pendant l'affaire ; que de lа, elle inquiиte l'ennemi, et que, dans un changement de front, sa facilitй de mobilisation donne plus de rapiditй au mouvement des ailes.Dans les combats de cavalerie, on a vu que les lignes йtaient йchelonnйes toujours en dehors les unes des autres ; la seconde ligne sur le cфtй le plus vulnйrable.
Quant а la rйserve, elle se forme gйnйralement en arriиre, prкte а parer aux diverses йventualitйs, а soutenir une ligne en dйroute, soit en chargeant la ligne ennemie, soit en tombant sur son flanc si elle s'est laissй entraоner dans la poursuite.Il n'y a point de renseignements sur les distances des lignes entre elles.Ce que l'on peut affirmer, c'est que les troupes de soutien sont en gйnйral proches, car la confiance inspirйe par la proximitй des troupes de soutien peut doubler la vigueur d'une charge.A l'inverse, une charge mal soutenue, mкme bravement engagйe, n'est qu'une sanglante йchauffourйe.On appelle troupes de soutien non seulement la premiиre ligne qui suit et appuie une charge, mais bien les lignes qui s'йchelonnent en arriиre, et qui viennent rapidement, et а courtes distances, s'emparer des postions au fur et а mesure qu'elles sont enlevйes.Si l'on n'exйcute une charge que pour reconnaоtre l'ennemi et le forcer а se dйployer, il est inutile d'avoir une rйserve ; mais dйs que cette attaque est l'objectif principal, il faut que les troupes de soutien emboоtent la charge.

Au moment du choc, les escadrons sont toujours dйployйs en ligne, mas avant cette phase, on les conserve le plus longtemps possible dans la formation la plus propre а manoeuvrer c'est а dire en ligne de colonnes ou en masse de colonnes, afin de progresser rapidement sur le champ de bataille.Cette formation en ligne de colonnes est nйcessaire dans certains cas, entre autres pour passer dans les intervalles d'une ligne d'infanterie en dйsordre au secours de laquelle on se porte.En effet, dйployer trop tфt ses cavaliers en ligne pour traverser le champ de bataille peut gкner la retraite des fantassins ; c'est ce qui se produisit а Eylau, Friedland et surtout а Waterloo, oщ plusieurs divisions de cavalerie franзaise, embarrassйes dans leur marche ne purent charger et gкnиrent au contraire par plusieurs lignes dйployйes la retraite de l'infanterie.Le seul moyen de remйdier а un pareil inconvйnient est de faire progresser en plusieurs colonnes la ligne de cavalerie а travers un champ de bataille oщ rиgne la confusion.On la forme au dernier moment, une fois les principaux obstacles (matйriels ou humains) franchis.

La nйcessitй de former pour le combat deux lignes et une rйserve a servi de base а la constitution des division de grosse cavalerie et de dragons а 3 brigades.L'Empereur organisa, par la suite, des divisions de dragons et de cuirassiers а 2 brigades, mais ces divisions n'йtaient presque jamais isolйes ; elles servaient le plus souvent d'appui а la cavalerie lйgиre de corps d'armйe lorsqu'elles йtaient dйtachйes, ou elles agissaient sur le champ de bataille avec d'autres divisions, chacune formant elle-mкme deux ou trois lignes.

-Dictionnaire de la Grande Armйe d'Alain Pigeard.