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A Single Man film streaming

"A Single Man". sous le signe de l'affectation

LE MONDE | 23.02.2010 à 15h44

Par Thomas Sotinel

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Sur les affiches de A Single Man, Colin Firth ressemble, de loin, à Yves Saint Laurent. C'est peut-être pour que nul n'ignore que ce long métrage est signé Tom Ford, qui fut directeur créatif de Gucci et d'Yves Saint Laurent, et passe ici au cinéma. On ne se permettrait pas ce rapprochement si A Single Man ne présentait pas les symptômes associés à ce curriculum vitae.

Adapté du roman de Christopher Isherwood (Un homme au singulier. Points), le film de Tom Ford ressemble souvent à une publicité pour un parfum, qu'il montre les cieux étrangement colorés de Los Angeles ou des corps d'hommes nageant gracieusement sous l'eau. Cette affectation dans l'expression, qui se manifeste aussi par des références appuyées à de grands anciens (une séquence entière est filmée sous une affiche de Psychose ), confère à A Single Man une saveur artificielle qui masque presque entièrement la tragédie.

Or il suffit de contempler un instant le visage de Colin Firth pour savoir que le destin de George est d'être voué à la douleur et à l'absence. Lorsque Christopher Isherwood a écrit Un homme au singulier. en 1961, l'homosexualité restait un stigmate déshonorant. Même pour un professeur de littérature londonien exilé dans une petite université californienne. Le film se déroule sur une journée, semblable à toutes celles que George traverse péniblement depuis la mort de son compagnon, Jim.

Manque de confiance

Privé par les convenances de la consolation du deuil, George ne peut compter que sur l'amitié de Charley (Julianne Moore), autre expatriée britannique, qui noie ses chagrins dans le gin. Très tôt dans le film, George exhume une arme à feu, manifestant son désir de mettre fin à cette souffrance inexprimable. Ce recours au revolver qui, se dit-on, devra bien servir avant la fin du film, devient finalement la manifestation du manque de confiance de Tom Ford, à son propre égard et à celui des spectateurs. Il lui faut introduire ce suspense pour donner une structure dramatique à son film.

Pourtant, la fatigue terminale que Colin Firth prête à George devrait suffire à briser le coeur. Ses duos avec Julianne Moore, toujours aussi courageuse dans sa description d'une femme au bord de l'abîme, devraient bouleverser. Mais à chaque fois que l'émotion menace, A Single Man se réfugie dans un flash-back à l'esthétique délicieusement idéale. Le joli Matthew Goode, qui joue Jim dans ces retours en arrière, est filmé comme un modèle pour les pages glacées de Vanity Fair ou de Vogue .

Tom Ford a produit ce film avec ses propres deniers, ce qui garantit que ces artifices sont l'expression d'une sincérité sans faille. Puisqu'il a été son propre producteur, personne n'a pu lui dire que la tristesse et la révolte de ce récit ne pouvaient passer par les clichés de luxe qu'il emploie.

On peut espérer qu'il s'est rendu compte que les moments les plus gracieux de A Single Man sont ceux qui mettent aux prises George avec un élève effronté et séducteur et - surtout - avec un jeune gigolo espagnol, interprété par Jon Kortarajena. A ce moment, A Single Man sort de sa morosité luxueuse et trouve un peu de vie.

Film américain de Tom Ford avec Colin Firth, Julianne Moore. (1 h 39.)

Par Thomas Sotinel

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